La Presse, Montreal, Samedi 11 Juillet 1998
FESTIVAL DE JAZZ
La jubilation a bien meilleur goût !
Alain Brunet
Le quinzième anniversaire de l’étiquette Montrealaise Justin Time coïncide (enfin… ce n’est pas exactement une question de date) avec la clôture en salle du 19e Festival internationalde jazz du Montreal. Pour l’occasion, on a cru que la jubilation aurait bien meilleur goût. Jubilation… gospel, il va sans dire.
Alleluia! Et tous à la Wilfrid, ce soir à 20h30, pour un coup de…choeur.
Pour moi, ce concert a une saveur nostalgique, dit Jim West, président et fondateur du label Montrealais.
Depuis que j’ai mis sous contrat le Montreal Jubilation Gospel Choir, Oliver Jones et Ranee Lee, les artistes Montrealais brillent partout dans le monde, en Afrique du Sud comme au Japon. C’est là ma plus grande fierté.
On rappellera que le cinquième anniversaire de Justin Time avait aussi été célébré au Festival de Montreal – au Théâtre St-Denis – mettant en vedette le regretté saxophoniste Fraser McPherson, le guitariste Sonny Greenwich, Ranee Lee, Oliver Jones et le Montreal Jubilation Gospel Choir. Cette année, les penseurs de la programmation au FIJM ont estimé que la chorale devait être le clou du spectacle Justin Time. La rumeur veut qu’on garde le pianiste Oliver Jones comme l’un des plats principaux du 20e anniversaire du FIJM – l’an prochain.
Pour Jim West, le choix de l’ensemble vocal au concert de clôture est tout à fait justifié. Le Montreal Jubilation Gospel Choir a apporté une autre dimension à notre étiquette, il nous a ouvert des portes en Europe. Ce fut excellent pour la réputation de Justin Time.
Au tour du famoeux choeur, on a construit un spectacle qui inclut la chanteuse Ranee Lee et Oliver Jones, Montrealais de renommée internationale comme on le sait. Toutefois, ces derniers feront de courtes apparitions.
Il s’agit de notre septième concert au Festival de Montreal, indique fièrement Trevor Payne, fondateur et toujours leader de la fameuse chorale, devenue une véritable institution d’ici.
Totalement dédié à la musique sacrée, le Jubilation Choir? Pas tout à fait. Je crois, répond Payne, que le gospel est une forme magnifique, qui touche les auditoires. Les gospel est à la base de toutes les musiques noires en Amérique. Mais je ne nous vois pas complètement comme un ensemble gospel. Cela fait partie de notre facture, c’est sur cette base que nous avons débuté.
Celles et ceux qui viennent nous entendre sont d’abord attirés par le côté gospel de cet ensemble, j’en conviens. Mais notre polyvalence et notre énergie les transportent églement.
Parlant de polyvalence… Il se pourrait bien que nous abordions la soirée avec une pièce de Mozart et qu’on la termine avec des chants africains en trois langues (zoulou, luhyia, ndebele). On fera aussi dans le jazz ou le negro spiritual chanté a capella. Notre choeur n’est donc plus strictement gospel. Je crois que nous sommes un choeur tout court.
Afro-Montrealais anglophones, Antillais, Blancs ou Noirs Américains forment le Montreal Jubilation Gospel Choir. C’est ce qui distingue cet ensemble des autres chorales anglo-canadiennes ou américaines.
Nous pouvons chanter en allemand, en italien ou en français, ajoute Trevor Payne. Nous faisons des choses classiques, nous avons réalisé un disque d’avant-garde en Allemagne – The Song of Songs, un disque du choeur enregistré de conccert avec l’Allemand Klaus König et mettant en vedette les chanteurs Jay Clayton et Phil Minton. Et Going Hom, notre nouvel album africain, représente à mon sens notre plus grand accomplissement.
Tout ça, je crois, a quelque chose à voir avec mon background rock et ma formation classique. Plus grande est la variété des styles explorés, plus grand est le défi.
Le Montreal Jubilation s’est ainsi taillé une place enviable dans le circuit international du chant choral. Il y a deux semaines, par exemple, l’ensemble vocal s’est présenté à Ottawa pour attiser les disciples de Billy Graham, célébrissime prédicateur américain. Rien de trop beau pour les brebis du grand berger…
Si Trevor Payne manifeste une grande ouverture à d’autres genres musicaux, il préfère ne pas déroger de la tradition lorsque son ensemble fait dans le gospel. Pas question pour lui de prendre la direction de Kirk Franklin, ce fameux chef de chorale afro-texane, qui greffe du hip hop à ses chants sacrés… et qui fait boum sur les palmarès américain depuis plus d’un plus d’un an.
Not exactly my way… laisse échapper le Montrealais. Je dois cependant faire preuve de diplomatie; je respecterai toujours un artiste qui attire des auditoires importants. Kirk franklin a été capable de réaliser un immense succàs populaire de facture gospel, le plus considérable depuis Oh Happy Days en 1969 (par les Edwin Hawkins Singers). Kirk Franklin est un artiste brillant, mais il a suivi le processus inverse que la musique gospel suit normalement; il a puisé dans le monde pop alors que, traditionnellemen, c’est le monde pop qui s’est abreuvé dans le gospel.
Dans bien des cas, le gospel est devenu un étalage de prouesses vocales, contrairement au son naturel de Ray Charles, du Révérend Gary Davis. Plus ça devient technique, plus on se distancie de l’auditoire.
Pas de flafla pour le Montreal Jubilation Gospel Choir, faut-il en déduire. J’ai toujours mis l’accent sur la chorale en tant que collectif, indépendamment du choix du soliste. Nous avons eu de grands solistes comme Kathleen Dyson, nous avons actuellement Sylvie Desgroseilliers, j’en passe et des meilleures… Mais nous avons toujours mis l’accent sur le collectif.
Je dis souvent à mes artistes qu’un grand soliste et un choeur médiocre ne vont pas très loin alors qu’un grand choeur et un soliste médiocre peuvent aller très loin.
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LE MONTREAL JUBILATION GOSPEL CHOIR
et ses invités
se produiront ce soir – 20h30,
Salle Wilfrid-Pelletier