• By Jubilation Gospel Choir

Le petit cousin des grandes orgues

Le Devoir, les samedi 29 et Dimanche 30 Septembre 2001

FESTIVALS

LE PETIT COUSIN DES GRANDES ORGUES

Bernard Lamarche – Le Devoir
Cette année, le festival Orgue et couleurs semble décidé à aller chercher un public élargi. Pour sa troisième vie, non seulement l’événement du quartier Hochelaga -Maisonneuve reçoit des invités spéciaux comme Karen Young, il invite les membres du Montreal Jubilation Gospel Choir à se joindre à sa programmation. Outre les voix riches d’un des ensembles gospel les plus reconnus mondialement, le petit cousin des grandes orgues se fera entendre. A l’honneur, donc, le Hammond B3.

Étonnant mariage? Le MJGC est connu pour son éclectisme. Comme le rappelle le directeur et fondateur du choeur, le professeur Trevor W. Payne, l’ensemble s’est produit dans tout le spectre des festivals, jazz, classique, gospel et pop. Reste que Payne a été surpris de l’invitation qu’il a reçue. Quand ils m’ont téléphoné, je leur ai demandé de me dire où ils voyaient le lien avec notre travail. Lors de la conférence de presse pour annoncer la programmation du festival, son directeur, l’organiste Régis Rousseau, se disait heureux de voir le B3 entrer dans la danse.

Avec sa générosité élégante, il explique que nous sommes connus pour la musique gospel. Les deux instruments traditionnels du gospel sont le piano et l’orgue. Même si le Hammond B3 n’est probablement pas ce à quoi on pense pour un festival classique d’orgues, le B3 est tout de même un orgue. Un des grands noms du gospel, Mahalia Jackson, rappelle Payne, se concentre sur l’orgue et sur le piano.

Le répertoire restera le même que d’habitude pour ce concert. L’ouverture Highway To Heaven, les pièces negro spiritual a cappella, les chansons africaines, vont côtoyer le gospel. La seule manière de s’intégrer au thème est de donner plus de place à notre organiste. Dimanche, comme on dit dans le jazz, on va lui permettre de “blower”[to blow].

En général, en comparaison aux grandes orgues, en dehors de l’Église noire américaine, le B3 est associé à un son pop. C’est pourquoi on a de grands organistes de blues et de jazz qui ont joué du B3, comme Richard Groove Holmes, Jimmy Smith ou Jimmy McGriff. En même temps, si on entre dans n’importe laquelle de 2000 églises noires aux États-Unis, elle possède son B3.

Un rôle différent

Le B3 dans le gospel ne possède pas le même rôle que les grandes orgues dans la tradition chrétienne, où il est plus imposant. On pourrait dire qu’ils se situent aux opposées du spectre sonore. Quand on pense au répertoire écrit pour eux. Comme dans les préludes de chorales, les fugues ou les toccates de Bach, par exemple, les pièces sont essentiellement écrites pour faire valoir les ressources de l’instrument. D’une certaine manière, les orgues sont écrasantes.

A l’inverse, avance Payne avec mille précautions, dans une église noire américaine typique, l’organiste est aussi important que l’orgue dans une église blanche chrétienne. Payne explique qu’il a parfois l’impression que les organistes classiques sont presque esclaves> de l’instrument, parce que, dit-il, le répertoire est écrit pour l’instrumentiste. Précisant qu’il ne s’agit que de son opinion, le professeur rappelle que le vocabulaire classique parle de maîtriser l’instrument. C’est une bataille qui fait rage entre l’orgue et l’organiste.

L’orgue,dans le contexte de la musique afro-américaine, est présent pour jouer un rôle dans le contexte du service religieux. C’est l’organiste, finalement, qui joue le rôle. Assis dans une église baptiste américaine, on remarquerait, poursuit Payne, que l’orgue joue presque constamment, tout du long du service, que ce soit pour accompagner les prières, les sermons ou encore les hymnes. L’orgue est utilisé comme un être humain. L’orgue est là pour inspirer. Il lie l’appel et la réponse. Et beaucoup de ce qu’il joue et improvisé, spontané. Comme pour la plupart de la musique noire américaine, sauf le negro spiritual, l’instrument parle à la place du musicien. L’instrument devient le musicien. Ce n’est pas un outil. C’est ainsi que je vois les choses. On ne peut séparer Cannonball Adderley de son saxophone.

Cette différence pourra être entendue dimanche. Ensuite, les prochains mois verront deux nouveaux disques du choeur être lancés. Un premier , en décembre, le Jubilation VIII – A Cappella Plus, est une collection de différents types de musique,. La majorité consiste en des negro spirituals, mais pas totalement. Des instruments atypiques, un groupe de rue de la Nouvelle-Orléans, des koras africains, un basson et un corps anglais et un quartet de saxophone s’y retrouvent. En décembre, le neuvième disque du choeur sera fait de nouveautés jouées en conert. Il sera fait exclusivement de gospel.

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MONTREAL JUBILATION GOSPEL CHOIR
Au festival Orgue et couleurs
Église Saint-Nom-de-Jésus
4215, rue Adam
Montréal